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Précisions parue dans Bodoï N°25 de décembre 1999.
Les colts refroidissent lentement à Blueberry Corral depuis le duel qui a opposé le dessinateur scénariste Jean Giraud à Philippe, fils et défenseur de l'héritage de Jean-Michel Charlier, le créateur de la série (1) .Les blessures ne sont pas encore refermées. Giraud, amer, répète qu'il n'a jamais voulu faire déraper Blueberry hors des chemins battus par Charlier père. «Tout ce queje réalise est induit dans ce que faisait Jean-Michel, affirme-t-il. Je reste dans l' évolution logique du personnage. Je travaille d'une manière respectueuse sur une oeuvre puissante et généreuse ». L'homme est touché par l'échec de son projet Bluebeny 1900, auquel Charlier Jr met son veto. Un veto qu'il ne comprend pas: « J'ai passé des heures à expliquer à Philippe comment il nous fallait évoluer, comment nous allions,grâce à cette histoire, toucher un nouveau public. Bluebeny 1900, j'y pense depuis 1980. À l'époque, j'avais déjà pris des notes. Après la mort de Charlier,je les ai retrouvées. J'ai retravaillé, étoffé cette histoire que je considère comme mon chef-d'reuvre». Mais qu'y a-t-il donc dans ce projet pour déclencher une telle tempête? Une des rares personnes à avoir pu parcourir le synopsis raconte: «C'est une belle histoire de sorcellerie indienne, un peu lente. Avec quelques scènes qui,c'est vrai, pourraient poser problème au lectorat habituel de la série. Ainsi celle du président des Etats-Unis envoûté, attaché sur un lit et saisi de convulsions. Jusque-là, rien à dire, on a déjà vu ça dans Tintin. L'os surgit quand le lit commence à se soulever. ..Là, on quitte le western classique pour le fantastique, le surnaturel. Comment réagiraient les lecteurs habituels de Blueberry ? Mystère». Et Giraud de s'interroger à en perdre le sommeil. Après le forfait de Boucq qui devait réaliser ce cycle, son entourage encouragerait plutôt Jean à ne pas abandonner et à dessiner lui-même le Blueberry de la discorde. Lui hésite encore. Du côté de chez Dargaud, on joue les juges de paix et on répare les pots cassés. Claude de Saint Vincent, le grand patron, tient à remettre les montres à l'heure: « Philippe Charlier a le droit moral pour lui. Jean Giraud aussi,
ainsi que le droit de défendre sa liberté de créateur. Nous sommes dans une impasse dont le recours à la justice ne permettrait d'ailleurs pas de sortir » . Alors? Alors pour Dargaud, rien ne sert : de courir. Giraud doit d'abord termier le cycle de Mister Bluebeny -deux à trois albums à venir selon Giraud lui-même - avant d'aborder un nouveau projet. De quoi calmer le jeu. L'éditeur, confiant, refuse de croire une seule seconde à un clash aboutissant à l'abandon de la série principale par Giraud. Et, comme au poker cher à Bluebeny, abat une carte maîtresse : dix jours après la mise en place des 150000 exemplaîres de Géronimo, il a déjà fallu procéder à un nouveau tirage de 20000.
Et de rappeler, incidemment, qu'il se vend 300000 exemplaires de la série chaque année pour peu que paraisse une nouveauté. ..Mettre en péril une telle poule aux oeufs d'or serait pire qu'un crime. Une faute.